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François Bayrou a fait le choix de voter François Hollande au second tour de l’élection présidentielle, sans donner de consigne de vote à ses électeurs compte tenu de leur diversité.

François Bayrou votera François Hollande

 

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Débat  › Le peuple a-t-il un avenir ?

Penser le populisme

Les Rencontres de Pétrarque | LEMONDE | 21.07.11 | 13h21   •  Mis à jour le 21.07.11 | 16h03

par Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France et président de l’atelier intellectuel La République des idées

Ce texte est extrait de la « leçon inaugurale » qu’a prononcée Pierre Rosanvallon, lundi 18 juillet, à Montpellier, lors de l’ouverture des Rencontres de Pétrarque, organisées par France Culture et Le Monde dans le cadre du Festival de Radio France.

Il y a deux mots qui se regardent aujourd’hui en chiens de faïence : celui de « peuple » et celui de « populisme ». Il y a le paradoxe d’un terme négatif qui est dérivé de ce qui fonde positivement la vie démocratique. On exècre le populisme alors que l’on exalte le principe de la souveraineté du peuple. Que recèle ce paradoxe ?

Pour éclairer cette question, il faut partir du principe que le peuple est effectivement le principe actif du régime démocratique, mais que c’est une puissance indéterminée. Il y a en effet un écart entre l’évidence d’un principe, la souveraineté du peuple, et le caractère problématique de ce peuple comme sujet.

Caractère problématique en second lieu des institutions et des procédures pour exprimer le peuple. Le système représentatif existe-t-il parce que la représentation directe est impossible dans une grande société ? Ou parce que le système représentatif a des vertus propres par l’obligation qu’il entraîne de délibérer, de s’expliquer en public ? Tout cela n’a jamais été véritablement résolu.

Il faut donc partir de cette double indétermination pour comprendre ces rapports équivoques entre la référence positive au peuple et l’emploi suspicieux de la notion de populisme. La troisième indétermination concerne le fait que le peuple n’est pas simplement un principe commandant, mais qu’il est aussi substance et forme sociale de la démocratie. Il est la figure du commun, la forme d’une société des égaux. Aujourd’hui, nous pouvons dire que le peuple est en crise. Il y a une crise particulière de la représentation. Et d’un autre côté, la société ne fait plus corps, elle est disloquée par les inégalités.

Dans une première approximation, on pourrait dire du populisme ce que Marx disait de la religion. Qu’il est à la fois le symptôme d’une détresse réelle et l’expression d’une illusion. Il est le point de rencontre entre un désenchantement politique, tenant à la mal-représentation, aux dysfonctionnements du régime démocratique, et la non-résolution de la question sociale d’aujourd’hui.

Le populisme est une forme de réponse simplificatrice et perverse à ces difficultés. C’est pour cela qu’on ne peut pas seulement l’appréhender comme un « style » politique, comme certains le disent, en le réduisant à sa dimension démagogique.

Comprendre le populisme, c’est mieux comprendre la démocratie avec ses risques de détournement, de confiscation, ses ambiguïtés, son inachèvement aussi. Ne pas se contenter donc d’un rejet pavlovien et automatique pour faire du mot « populisme » un épouvantail qui ne serait pas pensé. La question du populisme est en effet interne à celle de la démocratie.

Et on peut se poser là une question : est-ce que le XXIe siècle n’est pas en train d’être l’âge des populismes comme le XXe siècle avait été celui des totalitarismes ? Est-ce que ça n’est pas la nouvelle pathologie historique de la démocratie qui est en train de se mettre en place ? Avec aussi le danger d’utiliser une notion aux contours pareillement flous.

Le populisme présente quelques traits saillants. On peut d’abord dire que la doctrine de l’ensemble des partis concernés repose sur une triple simplification. Une simplification politique et sociologique : considérer le peuple comme un sujet évident, qui est défini simplement par la différence avec les élites. Comme si le peuple était la partie « saine » et unifiée d’une société qui ferait naturellement bloc dès lors que l’on aurait donné congé aux élites cosmopolites et aux oligarchies. Nous vivons certes dans des sociétés qui sont marquées par des inégalités croissantes. Mais l’existence d’une oligarchie, le fait de la sécession des riches ne suffisent pas à faire du peuple une masse unie.

Autre simplification : considérer que le système représentatif et la démocratie en général sont structurellement corrompus par les politiciens, et que la seule forme réelle de démocratie serait l’appel au peuple, c’est-à-dire le référendum.

Troisième simplification – et elle n’est pas la moindre -, c’est une simplification dans la conception du lien social. C’est de considérer que ce qui fait la cohésion d’une société, c’est son identité et non pas la qualité interne des rapports sociaux. Une identité qui est toujours définie négativement. A partir d’une stigmatisation de ceux qu’il faut rejeter : les immigrés ou l’islam.

Si l’on estime que le populisme est fondé sur cette triple simplification, surmonter la dérive populiste consiste à réfléchir à la façon de mieux accomplir la démocratie. Nul ne peut prétendre combattre ou stopper le populisme en se contentant de défendre la démocratie telle qu’elle existe aujourd’hui. Pour critiquer le populisme, il est nécessaire d’avoir un projet de réinvention et de reconstruction de cette démocratie. Dans quelle direction ? J’en donne rapidement quelques éléments.

Tout d’abord, partir du principe que, au lieu de simplifier la démocratie, il faut la compliquer pour l’accomplir. Parce que le peuple, nul ne peut prétendre le posséder, nul ne peut prétendre être son unique haut-parleur. Car il n’existe que sous des espèces et des manifestations partielles. Il existe d’abord un peuple arithmétique : le peuple électoral. C’est le peuple qui est le plus fondamental, car tout le monde peut prétendre faire parler le peuple en disant « la société pense que », « le peuple pense que », mais personne ne peut dire que 51 est inférieur à 49.

Il y a pour cela une espèce d’évidence de ce peuple arithmétique. Il est le « pouvoir du dernier mot ». Mais le problème est que la définition du peuple ou de l’intérêt général doit englober l’immense majorité de la société et pas simplement sa majorité. C’est pour cela qu’il faut faire appel à d’autres figures. Lesquelles ?

D’abord celle du peuple social, qui s’exprime à travers des revendications liées à des conflits, prend la forme de communautés d’épreuves, se lie à des morceaux d’histoire vécus en commun. Cela peut être aussi cellede cette opinion indistincte et confuse qui, aujourd’hui, existe à travers Internet (car Internet n’est pas un média, mais une forme sociale, sorte de matérialité directe, mouvante). Sa voix doit être entendue.

Il y a encore un troisième peuple qui joue un rôle essentiel : le peuple-principe. C’est le peuple qui est défini par ce qui fait les fondements de la vie commune. Ce qui représente ce peuple, c’est alors le droit, les règles fondatrices du contrat social, c’est la Constitution. Il y a enfin un quatrième type de peuple, que l’on pourrait appeler le « peuple aléatoire ». Dans certains cas, il est tellement difficile de le figurer que l’on utilise le tirage au sort, façon de présupposer qu’il est constitué par une équivalence radicale.

L’important est de donner leur place à ces différents peuples : le peuple électoral-arithmétique, le peuple social, le peuple-principe et le peuple aléatoire. Car le peuple est toujours approché. Pour le faire parler, il faut donc multiplier les voix, décliner ses modes d’expression. Il n’y a que dans des circonstances exceptionnelles qu’un peuple parle d’une seule voix ; sinon il faut qu’il y ait polyphonie.

D’un autre côté, il faut démultiplier la souveraineté. Il n’y a pas, là non plus, une façon unique d’exprimer la volonté générale. L’expression électorale n’est d’abord qu’intermittente. Et il y a une demande de démocratie permanente. Mais cela ne peut prendre la forme d’une démocratie presse-bouton, même s’il y en aurait aujourd’hui techniquement la possibilité. Car la démocratie n’est pas simplement un régime de la décision. Elle est un régime de la volonté générale, ce qui se construit dans l’histoire. Cela implique notamment le fait que l’on soumette les gouvernants à une surveillance accrue, à des redditions de comptes plus fréquentes, à des formes de contrôle. Le citoyen ne peut pas espérer être derrière chaque décision, mais il peut participer d’une puissance collective de surveillance, d’évaluation.

Compliquer la démocratie, c’est enfin une troisième chose essentielle : trouver les moyens de produire un commun qui fasse sens ; produire une société qui ne soit pas une simple collection d’individus. Aujourd’hui, c’est un des problèmes essentiels auxquels nous sommes confrontés.

La démocratie doit beaucoup plus résolument se définir comme mode de production d’une vie commune. Vie commune qui n’est pas simplement celle des grands moments solennels de l’effervescence électorale ou festive, mais qui est constituée du commun quotidien, de ce qui fait qu’une société démocratique se définit par le fait d’une confiance commune, d’une redistribution acceptée, du fait que l’on partage des espaces publics.

Nous sommes à un moment où il nous faut également redéfinir et enrichir la vie de la démocratie à travers une démocratie plus interactive, et non pas simplement une démocratie d’autorisation, mais où il nous faut aussi redéfinir le contrat social. Cette dimension, c’est celle d’une démocratie qui se conçoit à partir de ce qui était au coeur des révolutions américaine et française : la recherche d’une société plus égale.

C’est cette tâche qui, me semble-t-il, est devant nous aujourd’hui. Si nous reconstruisons ce commun, si nous essayons de mieux approfondir l’idée démocratique, alors la question du populisme pourra trouver une forme de réponse qui ne sera pas simplement celle d’un rejet inquiet, mais celle d’une vie démocratique élargie et approfondie.

Le programme des XXVIes Rencontres

Organisées par France Culture et Le Monde, les XXVIes Rencontres de Pétrarque se tiennent jusqu’au vendredi 22 juillet à Montpellier.
Rectorat, cour Soulages, rue de l’Université, de 17 h 30 à 19 h 30 (entrée libre).
Les rencontres sont animées par Emmanuel Laurentin (France Culture) et Jean Birnbaum (Le Monde).
Diffusion sur France Culture, chaque samedi, jusqu’au 27 août, de 19 heures à 20 h 30.
Renseignements : Franceculture.com.

Jeudi 21 juillet
Monde arabe et révolutions populaires

Fethi Benslama, psychanalyste tunisien.
Leyla Dakhli, spécialiste du Moyen-Orient contemporain, agrégée et docteure en histoire.
Vincent Geisser, sociologue et politologue, spécialiste de la sociologie politique en Tunisie.
Benjamin Stora, historien.

Vendredi 22 juillet
Goûts de l’élite, goûts du peuple

Ariane Ascaride, actrice de cinéma.
Gérard Noiriel, historien, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Lilian Thuram, ancien footballeur international français.
Marin de Viry, critique littéraire, chroniqueur, professeur de littérature contemporaine.
Marc Weitzmann, auteur.

Article paru dans l’édition du 22.07.11

Le peuple a-t-il un avenir ?

Dans le Monde, édition du 15 juillet 2011

Débat Culture populaire et culture des élites, Marin de Viry

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  • ERNEST E.12h24La société est aujourd’hui moins « disloquée » par les inégalités sociales que par la mise en cause de son identité nationale. Le populisme en est la traduction. Répondre

  • André Guidi André Guidi09h57Pierre Rosanvallon est un intellectuel majeur. Bravo pour ces propositions qui doivent être déclinées par les programmes des partis républicains en vue de l’échéance présidentielle de 2012. Répondre

  • PASCAL D.23/07/11 – 12h10Merci pour cette analyse qui est loin des simplifications mises en avant par les politiques de tous bords. Mais s’ils simplifient à outrance, c’est souvent parce que leurs électeurs ne veulent pas entendre un autre langage. Comment sortir de ce cercle? Répondre

  • Jean-François MOREAU22/07/11 – 20h02Ma réflexion sur les collectivités et des peuples me conduit à proposer le concept d’indice de médiocrité des individus monadisés puisqu’il y a de moins en moins de communication autre que binaire entre les cellules sociales. L’indice de médiocrité d’une nation définit le type de médiocratie qu’elle génère. Selon la moyenne et son écart-type, c’est un Concorde, un A-380, une aile volante, un coucou… Quel est l’indice de médiocrité de la France et des Français 2011? La mention TB = ex-passable! Répondre

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Tchat en direct sur Public Sénat pour les régionales en île de France: le débat Valérie Pécresse Jean-Paul Huchon.

Le 10 mars prochain, quatre jours avant le premier tour des élections régionales, vous pourriez être tentés par les différents meetings et réunions de sections, de fédérations etc. et vous pourriez continuer à nourrir de grandes espérances : voir la démocratie participative mise en acte près de chez vous.

Le problème c’est que nombre de ces rencontres délocalisées ont essentiellement des visées polémiques et racoleuses utilisant la campagne de proximité à de purs moments clés. Si vraiment il doit y avoir démocratie participative, il faut que ce soit de façon continue et suivie, précisément en faisant preuve d’un certain « désintérêt » et donc hors périodes d’élections politiques rapprochées. (suite…)

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Que la démocratie soit en crise, faut-il en apporter encore la preuve? La désertion des couches populaires par ossification des structures politiques censées être les plus traditionnellement représentatives du combat démocratique est à son comble (PS moribond; Verts opportunément positionnés – deux partis hyper boboïsés, urbanisés, et suburbainisés, mais aussi déterritorialisés – ce qui n’empêche ni les uns ni les autres d’avoir prioritairement en ligne de mire des préoccupations purement électorales et d’œuvrer principalement à la promotion de quelques personnalités hautes en couleur; PC rigidifié du fait de son effondrement et paralysé par la nostalgie de ses scores mirobolants de jadis; Parti de gauche qui se cherche et se perd dans une alliance qui vient en remplacement d’une autre; NPA victime de son rapide succès et un peu trop sympa pour être honnête; LO et autres groupuscules extrémistes – sans parler de quelques individualités atomiques et azimutées qui semblent totalement dépourvues de souplesse et incapables d’adaptation au monde moderne ).

Les élections régionales n’en verront toutefois pas pour autant leur score d’abstention augmenter de manière siginficative. Il est même prévisible que la participation à ces élections augmentera sensiblement. Parce que l’électorat de droite se sentant menacé ira fidèlement voter et soutenir d’une part son président en danger, d’autre part parce qu’un des réflexes de droite type, c’est la conquête totale et le refus de perdre. Or en l’état actuel, la droite est frustrée d’une composante importante de la domination politique complète, elle est dominée au niveau de la décentralisation. D’autre part lors des dernières régionales la gauche, et en particulier le PS a quasiment tout ravi (18 régions sur 20 en Métropole, 20 sur 22 au total). Insupportable!

De ce point de vue il y a un avant dernier combat à mener pour Nicolas Sarkozy, c’est de conquérir ce qui lui garantira le soutien inconditionnel de presque toutes les baronnies UMP, Nouveaux Centres et dans une moindre mesure FN et consorts (les régions, et ultérieurement les municipalités). Cette conquête d’une part a ses propres raisons d’être historiques (égaler la domination du PS de Mitterrand), d’autre part d’élargir et populariser notamment dans la France profonde qui n’est pas celle de Neuilly et des affaires son aura (égaler la domination de Chirac dans les campagnes). Mais bien sûr comme la plupart des analystes l’ont relevé, cette conquête des régions est aussi le tour de chauffe avant les prochaines présidentielles de 2012, non seulement pour la majorité présidentielle et ses alliés, mais pour tous les présidentiables potentiels.

À suivre donc ce qu’elles vont permettre de révéler et rendre au moins partiellement et momentanément visible pour les candidats putatifs que sont encore l’ex adversaire de Nicolas Sarkozy en 2007, Ségolène Royal, pour la première secrétaire actuelle du PS, Martine Aubry, pour François Bayrou dont on ne sait si l’avenir politique au niveau national est encore viable, pour le facteur Olivier Besancenot, pour les Verts qui ont beau dire qu’ils n’ont pas de candidat travaillent à en concocter un de leur cru (probablement Cohn Bendit qui voudrait se faire plébisciter et dire que finalement il y va).

Il vaut donc la peine de revoir les résultats des élections régionales de 2004 au vu de l’actualité des prochains jours et prochaines semaines. Un récent Widget du journal Le Monde.fr permet un tel suivi => CLIQUEZ ICI

Il permettra dès après le 1er tour le 14 mars 2010 de faire également, au vu de l’actualité politique, un point comparatif entre les élections en cours et celles passées. Cependant si la Démocratie Participative doit permettre de mieux prendre la mesure d’un des actes majeurs de la vie politique française, nous ne devrons pas oublier que nous n’avons – via les outils de presse les plus courants – qu’un baromètre partiel et peut-être partial d’un des aspects de la vie démocratique. La complète participation des citoyens – notamment de celles des sans parts – demeure politiquement très réduite et semble chaque jour fondre un peu plus telle une peau de chagrin dans ce type d’élections régionales.

Plus que jamais veillons à nous informer, nous exprimer et au besoin nous impliquer concrètement dans le présent et l’avenir de la démocratie.

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RancièrePhoto © RF / Igor Krtolica

Les Nouveaux chemins de la connaissance étaient consacrés du lundi 04 mai au vendredi 08 mai 2009 à la question de la démocratie.

Lundi 04 mai le premier des invités de Raphaël Enthoven était le philosophe Jacques Rancière, auteur entre autre de La Mésentente (voir dans notre rubrique Philosophie du présent blog  le compte-rendu) et plus récemment de La Haine de la démocratie.

L’émission est toujours réécoutable sur le site de France Culture, mais malheureusement plus podcastable. Gageons qu’elle le redeviendra ou qu’elle sera éditée en document sonore accessible au public. Passionnant comme on pouvait s’y attendre, même si Rancière précipite parfois sa pensée. Il faut suivre, et c’est peut-être aussi cela l’effort démocratique.

=> Écouter l’émission sur France Culture

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La démocratie est et demeure le régime politique qui garantit le mieux les libertés. Elle a maintenant fait ses preuves tout au long de notre histoire moderne et a permis d’offrir au plus grand nombre les garanties d’une vie individuelle autonome et d’une poursuite de buts choisis hors de situations de contraintes écrasantes et violentes qu’imposent peu ou prou et tôt ou tard à peu près toutes les autres formes de régime. En celà la démocratie est LE modèle de régime politique indépassable parce qu’associant et allant comme l’aurait dit Jaurès du réel vers l’idéal (ce qui la disitingue en l’occurrence des régimes cyniques tout autant que des utopies).

Mais la démocratie est un régime d’une part complexe et varié, qui a une histoire mouvementée et qui demande à être précisée. Par ailleurs les régimes démocratiques (qui ne sont pas tous des Républiques) peuvent varier assez considérablement selon les pays et les époques de telle sorte qu’on risque de ne plus être sûr de savoir précisément de quoi l’on traite en prononçant le mot démocratie (selon qu’il s’agit par exemple de la démocratie athénienne du Ve ou IVe siècle av. JC, de la démocratie naissante en Angleterre au XVIIIe ou de la démocratie américaine contemporaine… ).

Mais encore plus important, la démocratie est en évolution perpétuelle, et depuis la fin du XXe siècle, certainement sous les multiples coups de boutoir portés par les abus de régimes totalitaires d’une violence inouïe dans l’histoire humaine, elle a comme éprouvé un urgent besoin de se renforcer en se perfectionnant, de s’approfondir, de se redéployer plus largement en s’efforçant de ne laisser personne de côté. Car si c’était bien son principe fondateur que de n’exclure personne des droits et de la vie de la cité, c’était aussi un fait constant que des franges de population parfois importantes pour ne pas dire massives, soit par manque d’instruction, soit par manque d’intérêt, soit les deux, désaffectaient totalement la vie démocratique, ne portant plus leur regard sur la vie et l’action politique, et désertant les urnes.

Jusqu’à présent le paradigme de la démocratie, c’était la représentation. Que les peuples puissent se choisir des représentants, telle était l’essence de la démocratie. La plupart des pays avaient ainsi organisé leurs institutions et leurs administrations en vertu de ce principe de représentativité. Or nous savons maintenant que depuis plusieurs décennies, du fait d’une érosion et parfois d’un dévoiement des pratiques démocratiques traditionnelles qui n’ont pas été à même dans leur fonctionnement de prendre en compte et en charge tous les ciyoyens en fonction des nouveaux probèmes économiques, sociaux, idéologiques que ceux-ci rencontraient, une nouvelle forme de démocratie est apparue et s’est déclinée notamment dans les pays anglo-saxons à travers des pratiques multiples telles que les ateliers et conférences citoyennes, les jurys populaires, les cafés participatifs etc. Cette pratique visait à mettre les citoyens en prise beaucoup plus directe et rapide avec les problèmes et délibérations d’ordre civique, professionnel, associatifs éducatifs voire de les mettre en contact beaucoup plus rapproché avec les acteurs, les débats et les décisions politiques.

Bref la démocratie participative était née pour compléter et corriger les effets pervers d’une démocratie représentative à bout de souffle, trop engluée dans les règlementations et pratiques institutionnelles absconses et laborieuses et parfois même dévoyée pour ne pas dire corrompue par des intérêts d’ego ou des conflits d’intérêts que la représentativité permettait parfois de satisfaire aux prétendants les moins scrupuleux.

Disons le en un mot: la démocratie participative est née de la mauvaise ou de la sous représentativité du peuple au sein des principales institutions. N’oublions pas en effet qu’on peut comme mesurer le degré d’un démocratie en considérant notamment qui en est exclu. Elle est née en effet parce que des foules ou  « multitudes » n’ont pas toujours réussi à trouver auprès de leurs conseillers municipaux, de leurs conseillers régionaux et généraux, de leurs maires, de leurs sénateurs et députés etc. les interlocuteurs que les multiples évolutions sociales, économiques, technologiques du monde moderne les mettaient en droit d’attendre et d’espérer. La démocratie participative est née d’une déception, mais en même temps elle est venue conforter la démocratie dans son ensemble, considérant que c’était la bonne voie qu’il fallait suivre mais en empruntnat des moyens d’actions coplémentaires et innovants. C’est pourquoi aujourd’hui la plupart des courants ou personnes politiques qui recourent à l’idée de démocratie participative le font en l’adjoignant à la démocratie globale, à « la démocratie jusqu’au bout » comme le dit Ségolène Royal. Cette forme de démocratie ou plutôt ces « pratiques » démocratiques sont conçues pour renforcer, accompagner et booster les formes plus traditionnelles de démocraties (démocratie intitutionnelle ou représentative portée par nos principaux représentants, nos élus; démocratie sociale soutenue notamment par les associations humanitaires et de droits de l’homme, par les syndicats…).

Le présent blog entend faire le point sur la démocratie participative dans son ensemble, tant du point de vue de son histoire, que de ses pratiques les plus concrètes. Au delà de notre but d’informer de plus près tous ceux – étudiants, chercheurs, politiques – qui voudront l’étudier et l’approfondir, notre espérance est aussi et surtout que la démocratie participative bien entendue et mieux comprise trouve le plus rapidement possible ses applications efficaces et concrètes dans la vie quotidienne de toutes celles et de tous ceux qui font, qui SONT le peuple, cette part essentielle de la Polis qui trop souvent encore finit par être laissé pour compte…

GILLES BEHNAM

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